REVUE ÉTUDES, Maëlle Daviet, novembre 2023


Un beau jour de l’année 1966, Robert Simon, employé journalier du marché des Carmélites, situé dans un quartier populaire de Vienne, décide de réaliser son rêve : reprendre un café situé en plein cœur de ce marché. Après quelques travaux de rénovation, le Café sans nom ouvre ses portes et, bien vite, une foule de personnages s’y pressent. Les anciens habitués reviennent et de nouveaux prennent place. C’est un café « sans nom » car il pourrait se situer n’importe où. Les joies et les douleurs que chacun vient déposer au comptoir ou en salle sont universelles, elles pourraient être les nôtres. Par touches impressionnistes, et parfois avec un trait un peu plus appuyé, Robert Seethaler (auteur du Champ, Sabine Wespieser, 2020 [voir Études, avril 2020] et du Dernier mouvement, 2022 [voir Études, juin 2022]) nous fait entrer dans l’intimité du petit peuple viennois, des couturières, crémières, bouchers, catcheurs… Avec des récits fragmentés, il nous amène à toucher du doigt leurs rêves, leurs blessures, leurs espoirs et leurs fragilités, nous montrant toute la noblesse de ces vies minuscules. Dans ce roman qui épouse les courbes des saisons, il ne se passe pas grand-chose, si ce n’est que la vie, dans l’humilité peu reluisante de son quotidien, y palpite. Les années se succèdent, les amours et les amitiés se nouent et se dénouent, on oublie les motifs des vieilles querelles, la chaudière s’use, le gérant vieillit. Seule persiste l’âme du lieu, que l’auteur sait si bien nous faire sentir.