TÉLÉRAMA, Michel Abescat, mercredi 13 mars 2013


« Il y a des romans, comme celui-ci, qui vous submergent, vous touchent au plus intime, vous soufflent entre les lignes des mots essentiels, font surgir de vieilles images enfouies, et des larmes, comme une pluie intérieure. Michèle Lesbre poursuit, avec ce douzième roman, un texte qui n’en fait qu’un, une longue confidence pleine de pudeur et de fracas, la mémoire de la guerre, le chagrin de l’enfance inachevée, les amours en sursis, la mélancolie des voyages, des trains et des chambres d’hôtel, le compagnonnage avec quelques villes et écrivains indispensables. Et la volonté, constante, obstinée, de ne jamais renoncer. À vivre, à aimer, à se tenir debout. À l’instar de cette femme, surprise sur un quai de métro.

Elle est pressée, un train à prendre pour rejoindre un homme, dans une chambre d’hôtel au bord de la mer. Près d’elle, sur le quai, un vieux monsieur en imperméable beige, qui lui sourit avant de se jeter sous la rame. Effroi. Bascule. La narratrice erre toute la nuit, sous l’orage, dans les rues de Paris. Les souvenirs se bousculent, la maison de son enfance illuminée par la figure de son grand-père, voyages, lectures, utopies politiques. Et cet amour en pointillés qu’elle espère renouer à l’hôtel des Embruns avec cet homme qu’elle n’a même pas prévenu, un photographe pour qui les mots ne sont jamais à la hauteur. Comment dire ce qui s’enfuit et échappe ?

De retour chez elle, au petit matin, alors que la pluie s’obstine, seul demeure le sourire du petit monsieur du métro, comme un cadeau précieux, encouragement paradoxal à poursuivre l’aventure, comme si le désir était plus fort que tout, parce que la pluie elle-même peut être belle et vibrante et pleine de promesses, parce qu’il n’est jamais trop tard et que l’on peut toujours défier le mauvais temps. »