WWW.ACTUALITTÉ.COM, Nicolas Gary, mardi 9 janvier 2018


« C’est une musique d’embruns et de nuages glissant au loin que l’on découvre avec le roman de Clarence Boulay. D’isolement aussi, d’une solitude partagée, dans une île du fin fond du monde. Tristan da Cunha est un archipel volcanique, dans l’Atlantique Sud. Elle est souvent présentée comme l’espace de terre le plus isolé du monde.

Entre l’Amérique du Sud et la pointe de l’Afrique du Sud, l’île Tristan est un désert, à peine peuplé de familles. Un huis clos naturel, où se sont réfugiés femmes et hommes. Qu’est-ce qui pousse des humains à s’exiler si loin ? Rien : on ne peut vivre sur cette île qu’à condition de s’y marier, et donc de trouver un ou une célibataire.

Ida, elle, a choisi d’affronter cette traversée de sept jours sur le langoustier, pour gagner l’île. Sans Léon, qui n’a pas pu trouver de place sur le navire : elle part, seule, vers une aventure dont elle n’imagine rien. Impossible de mesurer ce qui attend le voyageur, sur un tel morceau de terre.

Ici, la vie est autre. Rien de commun avec la ville, ses bruits et sa vitesse. Ce n’est pas l’activité qui manque pour autant : on pêche, on travaille, on coud, mais l’on ne flâne jamais. Le temps de l’insouciance prend une autre dimension.

Parfois, la mer est mauvaise, mais l’on se retrouve. Parfois, une catastrophe survient et il faut partir sauver des oiseaux, emmazoutés. Pour Ida, une nouvelle existence débute, pour quelques mois. Logée chez Mike et Vera, elle scrute le moindre mouvement : dessinatrice, son œil va et vient.

« Parfois, Léon, ça fait comme des bosses, des creux, des sortes de montagnes dans ma tête. Des bruits étranges, comme du tonnerre. Tout est beau ici. Tout. Des remous du ressac, au sourire du vieil Andy », écrit-elle.

Jusqu’à sa rencontre avec Saul. Partie pour l’île aux Oiseaux, où un cargo s’est échoué. Partie sauver des oiseaux, elle va découvrir l’amour dans les bras d’un autre homme. Un autre horizon. Surtout quand l’île devient prison : impossible d’y accéder, la mer est trop mauvaise…

C’est un livre de houle et de vent, précisément, que livre ici Clarence Boulay, un roman qui, au gré des vagues, celles qui peuplent la mer et celles qui ballottent l’âme, finit par griser le lecteur. On s’enivre d’une nature à peine amadouée par les hommes. On chavire. On découvre. On rêve.

Avec une certaine tristesse, la mélancolie qui naît toujours des grandes révélations. »