WWW.BLOG.CULTURE.31, Sylvie Vaz, dimanche 27 novembre 2022


Kéthévane Davrichewy publie Nous nous aimions aux éditions Sabine Wespieser. Un tableau de famille sensible et délicat.

Elles sont trois. La mère et les deux filles. Géorgiennes d’origine ou de cœur. Chaque année, elles partent en Géorgie pour visiter la famille. Ce sont alors des moments de grandes joies et de retrouvailles fortes. Des moments dont on ne voudrait pas se passer même si, chaque année, une tension demeure. Nous sommes en 1980, la Russie et la Géorgie s’opposent. Lorsque Daredjane et ses filles, Kessané et Tina, arrivent à l’aéroport de Moscou, elles sont constamment menacées et malmenées. Les valises défaites, les objets saccagés, les propos blessants, mais il faut se taire devant cette injustice. Les deux fillettes en garderont un souvenir humiliant et difficile. Le retour à Paris, auprès du père Tamaz, marque alors un autre temps, une autre ambiance, celles des jeux, de l’insouciance, de la complicité familiale, des confidences entre sœurs, etc. Un beau tableau de famille qui pourrait durer éternellement. Sauf que le père meurt et les cartes entre les trois femmes sont redistribuées.

Vivre dans le silence

Des années ont passé. Tina et Kessané sont devenues des femmes et ont chacune une vie qui leur ressemble. Kessané est une journaliste de presse écrite, sa vie est rangée et en apparence agréable. Tina demeure cette enfant insouciante qui veut vivre au gré de ses envies. Un écart s’est creusé entre les deux sœurs. Et, entre elles, en arbitre par vraiment objectif se trouve Daredjane. Dévastée depuis la mort de son mari, la mère se laisse entraîner par le chagrin et les regrets. Elle se rapproche alors de Tina qui vient d’avoir un accident. Et, pour une raison obscure, elle en veut à Kessané. Car elle ne comprend pas son état, car elle n’aide pas sa sœur, car elle est trop insensible, etc. Les récriminations à son encontre ne cessent d’augmenter au fil des pages. Et si Kessané avait aussi des choses à dire ?

Kéthévane Davrichewy donne la parole à ses personnages avec beaucoup d’empathie et de douceur. Elle sonde leurs pensées et leur cœur avec une minutie extrême. Ces portraits de femmes disent tant sur le silence, la difficulté à dire, mais aussi sur les blessures de la vie marquées par un récit familial difficile : la guerre, la perte ou le deuil. Une douce histoire que nous susurre l’auteur !