WWW.LACAUSELITTERAIRE.FR, Claire Teysserre-Orion, vendredi 31 mai 2013


« Dans ce court récit, que Sabine Wespieser a eu la bonne idée de republier plus de dix années après sa première parution , il n’est pas question d’indignation mais de colère, inextinguible et légitime. Sur des pages cousues et en papier couché, Michèle Lesbre revient sur la vie de Victor Dojlida : né en 1926 en Biélorussie, mort en 1997, entre temps quarante années derrière les barreaux des prisons de France. […]

Ce récit est celui d’une rencontre : un auteur et son sujet. Michèle Lesbre apprend l’existence de Victor Dojlida quand elle lit un portrait dans Libération en 1989 au moment où notre héros discret est libéré de la prison de Poissy, il en était le plus vieux prisonnier. Le récit que Michèle Lesbre fait est au-delà de l’enquête journalistique : où verrait-on qu’un journaliste tutoie son sujet ? Mais elle est aussi autre chose qu’une vie romancée : la force de la trajectoire de cet homme se passe aisément de toute figure de style.

Il y avait dans ton récit quelque chose de ma vie, quelque chose d’à peine perceptible mais qui me rapprochait de toi.

La rencontre eut lieu parce qu’elle passa de nombreuses heures d’entretien avec lui, elle le laissa parler de sa vie et aussi peut-être parce que cette vie était une partie de son enfance à elle. Ainsi les séances passaient :

À mesure que nous avancions, je découvrais en toi un homme tellement martyrisé par tout ce qui l’avait conduit jusqu’à cette douleur de vivre qui l’accompagnerait toujours, qu’il me semblait presque vain d’avoir entrepris ce travail de mise en ordre, de reconstitution. Mais soudain j’étais persuadée du contraire, lorsqu’au milieu d’une phrase tu t’abîmais dans un profond silence.

Le lecteur peut remercier cette attention, vraie, patiente et gratuite de Michèle Lesbre qui, par cette incroyable vie, donne la démonstration qu’un pays qui se résume à son système est inhumain. »