LE MONDE DES LIVRES, Violaine Morin, vendredi 15 janvier 2016


« Le révolutionnaire au destin brisé »

« Gori, fin du XIXe siècle. Dans cette ville semi-féodale au cœur de la Géorgie, Joseph Davrichachvili (futur Davrichewy) et Joseph Djougachvili (1878-1953, futur Staline) sont élevés à quelques rues d’écart. Dans le giron des grands-mères, mais aussi en bandes, dans la rue, livrés à des guerres de petits chefs, les deux enfants se jaugent, se détestent la plupart du temps. En grandissant, ils se séparent, se recroisent, s’affrontent encore, chacun à la tête d’une milice révolutionnaire. C’est le temps de la formation intellectuelle, des premières hésitations entre la théorie et l’action, entre le nationalisme et le marxisme.
Par le détour du roman, le lecteur découvre un peuple réfractaire à l’autorité étrangère. Un peuple qui cache des armes et des militants, pour lequel la traîtrise est le pire des crimes. En arrière-plan se dessine également une région mythifiée par des années d’exil, celle de la Karthli, zone rebelle où les bandits sont à l’honneur.
À mesure qu’elle invente l’histoire de son arrière-grand-père, Kéthévane Davrichewy intercale le présent de son enquête au récit, dévoilant comment les méandres de la mémoire familiale la poussent à réinventer « l’autre Joseph ». La partie fictionnelle du récit y gagne une grande force, car elle se pare d’une poésie, d’une distance assumée avec la vérité, qui permet à l’auteure de donner corps à cet aïeul mystérieux. Parcours rêvé dans l’histoire d’un révolutionnaire au destin brisé, L’Autre Joseph est certes un roman intime et familial. Mais il offre également un magnifique hymne à la Géorgie. »