LA VIE, Victorine de Oliveira, jeudi 13 octobre 2022


Entre son enfance aux limites de la pauvreté dans les faubourgs de Dublin, et les anecdotes de tournages hollywoodiens où l’on croise Ava Gardner ou Leonardo DiCaprio, la vie du comédien Gabriel Byrne a régulièrement fait le grand écart. Il pourrait s’en apitoyer, ou en tirer gloire. Mais jamais les mémoires du comédien de la bande d’Usual Suspects (1995) ne tirent sur la corde sensible. Gabriel Byrne égrène les scènes du passé sur le mode du fondu enchaîné. Il se souvient aussi bien de l’émotion de son tout premier rôle sur les planches — une Nativité où la fausse barbe en coton du garçon qu’il était ne manqua pas de se détacher — que d’un tournage où une moustache de pacotille provoqua un incident gentiment humiliant. Il raconte aussi avec flegme la cruauté et les mauvais traitements des religieux irlandais chargés de son éducation, jusqu’aux abus sexuels qu’il a subis — l’enfant qui voulait devenir prêtre en est devenu athée. N’empêche : « C’est l’église qui a été mon premier théâtre », se souvient-il. La vie est ainsi tissée de paradoxes, de souffrances tues (l’addiction à l’alcool) et de joies qu’il faut parfois quelques années pour reconnaître à leur authentique valeur. En écrivain maîtrisant l’art de la juste distance, Gabriel Byrne donne une chair poignante à sa vérité.