AIMER LIRE, Sarah Jollien-Fardel, avril-mai 2022


Si converser avec un écrivain est toujours réjouissant, un brin d’appréhension fourmille néanmoins au fond de soi. Encore plus avec un auteur dont on admire les textes. Parce que lire un premier livre de Robert Seethaler, c’est vouloir embrasser son œuvre entière, se délecter de la pureté de ses mots, simples mais choisis, aimer les questionnements sans envolées emphatiques mais essentiels, découvrir des existences ordinaires qui, sous son regard et sa plume, deviennent particulières, même et surtout dans les détails. […]

Outre-Rhin, les romans de Robert Seethaler s’arrachent. « Chut! » fait-il, gêné, à Élisabeth Landes, lorsqu’elle révèle qu’il remplit des théâtres de huit cents places lors de lectures publiques payantes. Quant aux ventes en langue allemande, elles dépassent le million d’exemplaires pour Le Tabac Tresniek et Une vie entière, confirme Sabine Wespieser. Ce n’est pas rien ! Pourtant, dans une humilité absolue, lui parle de sa littérature le plus simplement du monde. Il réfléchit, vit dans son monde, sans doute à cause d’une malformation congénitale qui l’a rendu presque aveugle ; les mots sont pesés à l’oral comme dans ses textes, mais jamais pour impressionner ou jouer les intellectuels exagérément angoissés. La vie et ses moments banals, il le croit et le dit, dessinent une existence, et sont le sujet de tous ses textes. […]