BLOG DES LIVRES ET DE L’ART, jeudi 12 mars 2015


« Sous la lumière d’un réverbère, assis sur le trottoir, un homme lit Scènes de la vie de bohème d’Henry Murger. Non loin de là, depuis la terrasse d’un café, une femme observe cette image de solitude et de bonheur évident. Petit à petit, une autre silhouette vient se faufiler dans cette image, celle de son père disparu. Un père qu’elle a si peu et  mal connu. Le livre de Murger était toute la jeunesse de ce père, cet intime étranger. Cette scène insolite déclenche alors chez cette femme, la narratrice, le besoin de percer enfin le mystère de son père, parti trop tôt.

Débute alors un voyage rythmé de paisibles étapes le long d’un canal, chemin qui l’entraîne en douceur vers une maison qu’elle doit garder mais aussi vers son père et les souvenirs d’enfance. Les temps se côtoient, passé et présent se mêlent, un entre-deux qui jamais n’est loin. L’imagination et la mémoire dérivent au fil de l’eau et des rencontres. Tout devient objet de contemplation, de méditation. Une ode à la rêverie, à l’évasion, à la flânerie… Un enchaînement de paysages, de tableaux  bucoliques, le calme, la douceur de vivre, les belles rencontres. Le canal dormait profondément. Derrière un rideau de peupliers, trois vaches paissaient. Une silhouette féminine vêtue de noir semblait les garder comme autrefois, au temps de la campagne de mon enfance, où les animaux et les hommes vivaient ensemble. Une errance joyeuse et nostalgique.

Profiter de l’instant présent, ne pas se presser, laisser venir les émotions, les souvenirs en soi. Ne pas brûler les étapes, ne pas brusquer les choses, s’imprégner doucement. Pour parvenir au but, il est parfois essentiel d’emprunter des chemins plein de détours et progresser lentement. Contraste avec des réminiscences d’enfant souvent douloureuses mais nécessaires pour avancer, résister et se construire. Pour retrouver la paix et la sérénité.

Chemins, sans doute le plus personnel de tous les livres de Michèle Lesbre. Une écriture fine, limpide et poétique. Admirable, tout simplement ! Les pères sont parfois incertains, l’amour aussi, c’est peut-être ce qui les rend si nécessaires. »