LE MONDE DES LIVRES, Florence Bouchy, vendredi 13 mars 2015


« Grande traversée : Les héros antiques reprennent du service »

D’une prose à la tonalité poétique, elle interroge l’un et l’autre, laisse résonner leurs accents de vérité au cœur de sa propre écriture, et lit en creux dans leurs propos ce que notre époque, ce que sa vie, peuvent encore entrevoir et revivifier dans ces noms glorieux.

Achille est un texte incantatoire, paradoxalement proféré sur le mode mineur, comme en sourdine. Le lien entre la narratrice et le héros s’établit, malgré les circonstances improbables de leur rencontre, de la manière la plus banale qui soit : Salut Achille. – Salut Marie. Et peu à peu, la parole banale, de convenance, fait advenir les choses. Non seulement parce que le héros grec et sa mère prennent corps dans l’appartement de la jeune femme, mais surtout parce qu’ils se chargent de toutes les fonctions, connotations, espoirs, contenus dans leurs noms. Disant Achille, Marie retrouve cet homme qu’elle cherche à travers ce nom, condamné à tenir la promesse de son extrême vulnérabilité, et [qui] ne la connaissait pas. Celui, écrit-elle, qui possède le poème en intraveineuse et, par ce récit, me possède moi.

À l’issue de cette nuit hallucinée, Marie dispose de l’ombre portée du héros capable pour toujours de lui rappeler tout ce qui dans son nom [la] brûle. Disant Thétis, elle retrouve une figure de mère, sa mère peut-être, quoique la provenance de la phrase [soit] floue, comme tu vois, la parole est toujours venue de plus loin, mais les mots je les sais distinctement et par cœur, et je les répète : « Hier, comme aujourd’hui, comme hier, comme toujours, je frémis encore au parfum de ma mère ». »