BLOG ENCRES VAGABONDES, Serge Cabrol, jeudi 1er octobre 2015


« Le soir où Margio assassina Anwar Sadat, Kyai Jahro était captivé par ses poissons dans leur bassin. C’est par cette phrase explicite et mystérieuse que s’ouvre le roman. Explicite parce qu’on sait d’entrée de jeu qu’un meurtre a été commis et qu’on connaît les noms de l’assassin et de la victime. Bien des policiers aimeraient avoir cette certitude pour s’éviter de fastidieuses et incertaines enquêtes. Mais, pour le lecteur, le mystère reste entier. Qui sont ces deux personnages et pourquoi le premier a-t-il tué le second ? C’est ce que nous révèle la suite du roman même si le pourquoi reste longtemps énigmatique.
La dernière phrase du premier chapitre, prononcée par Margio, ne va pas nous éclairer beaucoup plus. Ce n’est pas moi, dit ce dernier avec calme, en protestant de son innocence. Il y a un tigre dans mon corps. Ce n’est pas un mobile très convaincant mais on comprend qu’on est en Indonésie, plus précisément sur l’île de Java, dans un village où les légendes et les croyances sont aussi fortes que la réalité. Et celle de la transmission par héritage du tigre familial n’a pas échappé à Margio. […]
Les rapports père-fils sont rapidement placés sous le signe de la colère et de la violence.
Devenu adulte, Margio ne cesse de se retenir de tuer son père, quitte à s’en éloigner pour mieux résister à la tentation.
Mais c’est Anwar Sadat qu’il va assassiner et il est difficile d’en dire plus sur les raisons de ce meurtre sans trop dévoiler l’intrigue savamment construite par l’auteur qui, de chapitre en chapitre, remonte dans le passé des deux familles pour révéler les liens qui les unissent et dont la mort scellera le destin pour l’éternité comme dans une tragédie grecque.
L’Homme-Tigre nous emmène au cœur de l’Indonésie, au milieu des rizières, des cocoteraies et des plantations de cacaotiers, dans un village où la famille de Margio vit dans une maison  rafistolée. […]
Entre légendes et réalité sociale, ce roman alterne les pages sombres avec d’autres beaucoup plus lumineuses, la violence de Komar avec l’amour de Margio pour la jolie Maharani, et nous plonge dans un univers rural où l’on chasse le sanglier, non pour le manger puisque la religion l’interdit, mais pour le faire combattre contre les chiens et où l’on déménage dans une charrette tirée par des bœufs. Voilà un auteur à découvrir puisque ce roman est son premier traduit en français mais l’éditeur en annonce un autre à venir, beaucoup plus épais et foisonnant. À suivre… »