Blog Lili Au Fil des pages , lundi 7 mars 2022


« Personne ne nous verra » de Conor O’Callaghan

Conor O’Callaghan est un poète irlandais qui a déjà publié chez Sabine Wespieser un premier roman : Rien d’autre sur terre en 2018. Il nous revient avec un autre roman Personne ne nous verra, pour nous conter l’histoire de Paddy qui vient de vivre une histoire d’amour malheureuse et qui désire mettre de la distance, éloigner ce chagrin en se rendant dans le sud de la France à bord d’un camion…

Que se passe-t-il dans sa tête et dans sa vie ? Il est encore dans le ferry se dirigeant vers Calais, quand il se met à converser avec une personne cachée derrière le rideau de la cabine. Il s’agit d’une jeune fille, Kitty, sa fille.

Par intermittence, tous deux vont dialoguer. Quand elle dort ou se tait, la vie de Paddy lui revient. Qui est-il ? Qui a-t-il aimé ? Comment a-t-il aimé ? Qui est son épouse, la mère de Kitty, dont il est séparé ? Parfois, le camion s’arrête sur les aires de repos, dans un bistrot de routiers. Il ne s’intègre pas aux autres… Il les regarde, les entend. Un minimum d’échanges.

La vraie conversation est avec sa fille, mais dans un langage particulier, compris d’eux seuls ou presque. Ce n’est pas toujours facile de les suivre… Mais on arrive peu à peu à comprendre l’histoire de Paddy et de Kitty. Le besoin de Paddy d’avoir Kitty à ses côtés. Le drame les ayant unis, malgré eux ?

Parfois, le téléphone s’allume et quelques messages encadrés apparaissent. Paddy a un jeune frère. Les liens existent même s’ils sont difficiles à garder. Paddy est en fuite. On perçoit sa douleur. Un événement s’est produit, « la chose est arrivée ».

Ce voyage, entre passé et présent, où l’avenir n’a pas sa place, puisque l’amour a déserté, bouleverse. Et quand je dis amour, c’est l’amour sous toutes ses formes, jusqu’à l’errance qui conduit Paddy jusqu’au bout de lui-même. Il y a la beauté des dialogues poétiques autant que hachés qui sont tels des coups de griffes, des blessures qui lacèrent le cœur et l’âme.

Au cours de ce voyage vers le Sud, pour retrouver la terre de Grand-ma de Kitty, on mesure la tendresse de Paddy qui s’adresse à sa fille avec de si jolis mots, mon cœur… Elle veut entendre qu’elle est sa fille, celle qui demeure. Kitty s’en est allée… Il lui parle des légendes irlandaises tournées vers la vie… Mais qui peut encore les entendre ? Qui essuiera les larmes d’un chagrin qu’il faut oser affronter… Le camion et sa cabine, le manteau de vison blanc de la grand-mère sont des métaphores, tels des paravents, des instruments qui absorbent et dérobent une réalité douloureuse à affronter.

Ne pas se priver de ce grand texte !

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