BLOG « LILI AU FIL DES PAGES », vendredi 17 septembre 2021


« Parler de Belfast n’est sans doute pas aisé. Jan Carson, l’auteure y est née. Elle sait. Elle pouvait attraper l’histoire et nous l’offrir.

Les Troubles ont cessé en 1998, mais la cendre est encore là, presque chaude et tout le monde le sait.

Ce qu’évoque l’auteure, c’est l’année 2014 à Belfast qui restera celle des Grands Feux au début de l’été. Ne surtout pas confondre avec la grande parade orangiste de chaque 12 juillet, où malgré l’interdiction, depuis la tragique période des Troubles, ils sont interdits mais s’embrasent cependant. Chaque 12 juillet, catholiques et protestants s’en donnaient à coups et à cœur joie… et larmes et soupirs suivaient.

Pour raconter ces trois mois de 2014, Jan Carson se penche sur deux hommes que tout pourrait rassembler, mais que tout oppose. C’est d’abord le portrait de Jonathan Murray, médecin qui porte le poids d’une nuit aussi chaude qu’enchanteresse. Un 12 juillet, il a répondu à un appel et rencontré une femme hors du temps qui a fait basculer sa vie. Un enfant est né, un enfant qu’elle n’a pas regardé et que Jonathan élève dans une grande angoisse. Et s’il était comme elle… Il guette sur son visage et dans son allure quelque chose qui rappellerait sa mère…

L’autre homme, c’est Sammy Agnew, un paramilitaire loyaliste qui redoute d’avoir transmis à son fils la violence qui fut la sienne et fut cause de tant de souffrance pour ceux qui eurent à la subir. […]

Jan Carson montre l’ambiance, le ressenti de l’Irlande du Nord, la panique n’est pas loin. Parfois, sur un trottoir on est protestant et sur l’autre, catholique. Mais on ne se connaît pas. On s’ignore. Même attitude au sein des forces de l’ordre et des manifestants, et entre riches et pauvres. Habitants d’un même pays, frères en humanité et incapables de se regarder, de s’apprécier. […]

Il faut lire ce livre qui dépasse de loin l’histoire de l’Irlande du Nord et la guerre entre protestants et catholiques, il faut comprendre la puissance de ces écrits qui interpelle tout un chacun. Nous sommes des lanceurs de feu, à un moment ou à un autre quand nous cédons à la violence, fermons les yeux et les oreilles alors qu’une main tendue serait l’eau, source du meilleur.

L’ouvrage de Jan Carson fait partie de la première sélection du prix Femina, croisons les doigts ! »