ERNEST MAG, entretien avec Camille Froidevaux-Metterie, vendredi 7 avril 2023


Offrir pour transmettre

Philosophe, chercheuse en sciences politiques, Camille Froidevaux-Metterie s’intéresse à l’évolution de la condition féminine à travers l’histoire et plus particulièrement à l’époque contemporaine., mais aussi à la place du corps des femmes. Férue de littérature, elle a discuté des livres qu’elle aime offrir avec Cyril Jouison.

La table est ronde, la fenêtre ouverte sur les toits de Paris, Camille Froidevaux-Metterie reçoit face à ses livres. Des ouvrages multiples et engagés. Des autrices et un engagement plein et doux. Militant aussi. Hegland, Woolf, Arcan et Bayamack-Tam sont au rendez-vous.

« J’offre des livres parce que j’aime lire et, surtout, j’en offre à des personnes qui aiment lire. J’adore faire des cadeaux, je réfléchis à chaque fois aux goûts de chacun, le livre n’est donc pas un réflexe cadeau, je n’en n’offre pas si fréquemment. Mais quand c’est le cas, j’ai la chance de vivre à côté d’une belle librairie, « L’Usage du monde » (rue de la Jonquière à Paris), et j’aime beaucoup y dénicher les livres que j’offre Je donne quelques indications au libraire, on discute, on cherche ensemble. Si vous me demandez d’en citer un, celui que j’ai le plus offert peut-être, c’est Dans la forêt de Jean Hegland (Gallmeister). (Camille se lève et va chercher le livre). J’en ai souvent un ou deux exemplaires de côté. La lecture de ce livre a été un enchantement pour moi et il continue de m’accompagner. J’y repense souvent, à chaque fois sur des points différents. Il vient éclairer mon travail de façon nouvelle. Je ne sais pas trop pourquoi.

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Pour mon roman, Pleine et douce (Sabine Wespieser), il était évident que je devais l’offrir à mes amies. Je souhaitais vraiment partager cette joie assez inouïe et inattendue de la parution. Je l’offre et le dédicace à chaque fois. J’adore les dédicaces en librairie, je prends le temps de personnaliser mes mots. J’aime offrir mes livres à des jeunes femmes, amies de ma fille ou petite amie de mon fils. Mais je m’empêche parfois de le faire, j’ai peur que cela paraisse un peu « trop » ou incongru. Quand je pars pour des rencontres littéraires, je prends toujours un exemplaire que je mets dans une enveloppe dans le but de l’offrir, sans savoir encore à qui. Je ne sais pas ce que cela signifie. Cela pourrait paraitre un peu narcissique, c’est surtout pour moi un moyen de partage et de transmission.

Du fait de ma formation littéraire, j’ai méthodiquement lu les auteurs classiques. En avançant dans mon travail, j’ai évolué dans mes lectures. Les livres qui me touchent le plus aujourd’hui sont écrits par des femmes, notamment des autrices contemporaines. Elles m’ont aidé à élargir mes perspectives. L’autrice québécoise Nelly Arcan me touche beaucoup. Putain (Seuil) est un des livres les plus forts que j’ai pu lire. Nelly Arcan surjouait les codes de la féminité tout en écrivant des choses très puissantes sur l’objectivation du corps des femmes. Je lui rends hommage en citant un assez long passage de son livre dans mon essai, Un corps à soi (Seuil).

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