FRANCE CULTURE, « Par les temps qui courent », Marie Richeux, lundi 7 décembre 2020


Claire Keegan est l’une des voix importantes de la nouvelle génération des écrivains irlandais. Son nouveau roman « Ce genre de petites choses » paraît, comme les précédents, chez Sabine Wespieser éditeur.

Fin 1985, dans une petite ville de l’Irlande rurale, Bill Furlong, marchand de bois et de charbon, dépose sa livraison au couvent où les soeurs du Bon Pasteur exploitent, sous couvert de les éduquer, des filles de mauvaise vie. Il retrouve l’une d’elles au fond de la réserve à charbon, transie. Il ne croit pas la mère supérieure qui lui affirme que ce n’est qu’un jeu.

Dans ce roman, Claire Keegan, dessine, avec intensité et finesse, le portrait d’un héros ordinaire, un de ces êtres qui naturellement sont conduits à prodiguer les bienfaits qu’ils ont reçus.

Extraits de l’entretien

Au début de mon roman, il y a une prose très calme, très sereine, mais qui a, en même temps, un sous- entendu de tension, qui nous amène peu à peu à l’idée qu’effectivement, quelque chose va se produire. On ne sait pas si cette chose va se produire, c’est un présage incertain, et là, cette notion d’attente, c’est ce que j’essaie d’instiller au début de mon récit, mais je ne demande pas à mon lecteur d’attendre indéfiniment. Claire Keegan

Je ne prévois pas mon intrigue à l’avance, je travaille avec des êtres humains qui se retrouvent dans des circonstances que je ne peux pas prévoir, parce qu’eux-mêmes ne peuvent pas les prévoir. Nous ne savons pas comment nos esprits fonctionnent, pourquoi nous sommes ici, et ce que nous ressentons jusqu’au moment où nous l’avons ressenti, et à ce moment-là, ce n’est plus qu’un souvenir. Nous ne savons rien de l’avenir et du futur, et si j’essayais d’imposer un nouvel ensemble de réalités à des personnages, cela me paraîtrait indigne d’eux. Je ne veux pas qu’ils portent mon intrigue, ni être l’esclave de quelque chose que j’ai déjà prévu à l’avance, je veux essayer de découvrir cette histoire au fur et à mesure. C’est une façon très lente de travailler, mais je ne sais pas faire autrement, et d’ailleurs, je ne le veux pas. Claire Keegan

Mon amour de la littérature n’a d’égal que celui du cinéma, et j’aime réunir les images et me retrouver seule parmi toutes ces images, sans l’intrusion de l’auteur qui analyse ses images à ma place et intervient entre ma lecture et la page. Finalement, la lecture consiste à analyser ce qui se passe sur la page. Quand vous lisez une histoire, vous la rassemblez comme les pièces d’un puzzle. Je préfère qu’on me donne les images, et qu’on me laisse me promener à travers le temps et le point de vue d’un personnage, pour que je puisse y voir quelque chose. Claire Keegan

D’une certaine façon, ça m’a aidé de grandir dans une maison, où il y avait très peu de bouquins. Il y avait un livre de cuisine, une bible, même si nous n’étions pas une famille très religieuse, et quelques livres pour enfants. Et c’est peut-être parce que j’avais si peu de livres à lire, que je me suis mis à imaginer des histoires. Cette vie très rurale que j’ai menée enfant, et où je n’avais pas accès aux livres, a sans doute enrichi mon imagination. Claire Keegan

Extrait

Les blanchisseuses de Magdalen, documentaire de Christophe Weber, 1999

https://www.franceculture.fr/emissions/par-les-temps-qui-courent/par-les-temps-qui-courent-emission-du-lundi-07-decembre-2020