FRANCE INTER, « L’Humeur vagabonde », Kathleen Evin, samedi 29 août 2020


« C’est un grand-duché au cœur de L’Europe où les fortunes se dissimulent sous l’apparence débonnaire d’une bourgeoise enrichie dans le négoce. Un petit pays qui sent le chou farci, plat emblématique d’une population jalouse de ses traditions dont la principale consiste en une fête orgiaque de trois jours pour le jubilé de la famille princière qui y règne. Une oasis de prospérité paisible, un rien endormie, pour ceux qui y plongent leurs racines et y dorlotent leur compte en banque. Un vrai paradis lorsque l’on sait détourner le regard du malheur des autres et en expulser ceux qui n’y ont pas de droits acquis. Grand-duché, monarchie, république, fédération, à l’est, à l’ouest, du nord jusqu’au sud, cela ressemble en tous cas furieusement à notre monde, qu’il soit d’avant ou d’après.

Le nouveau livre de Diane Meur est radicalement différent de son précédent, « La Carte des Mendelssohn », dont elle était venu nous entretenir ici même en 2016.  Sous le ciel des hommes, paru en cette rentrée bouleversée chez Sabine Wespieser, est en effet un roman et, si je puis me permettre une épithète un peu enfantine, un roman incroyablement culotté. Car on y lit une description ironique et féroce de notre monde, dur aux faibles, arrangeant pour les puissants, où l’étranger est devenu l’ennemi, les enfants des fardeaux pour les mères qui travaillent, où tout se consomme jusqu’à la nausée, où les discours politiques barattent du vent, où la mémoire est un risque et l’avenir une angoisse. Un roman culotté, oui, parce que très précisément politique : c’est-à-dire qui nous parle de nous, de ce qu’il nous faut cesser d’accepter pour pouvoir enfin respirer. »