INITIALES MAGAZINE, Eline Séjeau, juillet 2020


« Les premières pages de cet extraordinaire roman posent la question : « Si les morts pouvaient parler, que diraient-ils ? »
Ce sont à ces voix, de femmes et d’hommes disparus, que Robert Seethaler donne vie. Plus qu’un roman, une variation autour de la vie, poétique et pudique.

Car plus que la mort, c’est de la vie qu’il est résolument question. Tous les personnages nous parlent tour à tour d’amour, de rencontres, d’enfance et d’enfants. Se souviennent d’images et d’odeurs, comme celle de la pâte à pain sortant du four qui rappelle la chaleur d’une mère. C’est aussi pour certains le temps des aveux, et du pardon.

Chacun de ces voix est singulière, marquée par un rythme, une sonorité particulière. Mais toutes ont en commun d’avoir résonné à Paulstadt, dans la Markstrasse plus particulièrement, la grande artère de la ville, son cœur, sa pulsation. Ces voix appartiennent aux hommes et femmes qui l’ont habitée ou fréquentée. Ils étaient fleuriste, primeur, facteur ou encore professeur, ils se sont parfois cotoyés, certains gardent en mémoire des souvenirs communs – comme celui de l’incendie de l’église –, tous partagent désormais la terre sablonneuse du « Champ » nom donné à la partie la plus ancienne du cimetière de Paulstadt.

Par l’enchaînement de courts chapitres, ce sont pas moins de vingt-neuf personnes qui se livrent et reprennent vie sous la plume du romancier, exempte de pathos. Nous les écoutons attentivement. Ces voix si vivantes. Elles nous font écho.

Et c’est Hennes Dixon, le reporter-rédacteur-éditeur du Courrier de Paulstadt, qui d’outre-tombe trouve les mots pour nous : « Chaque instant porte en lui le temps dans sa globalité ; dans les vitres de la Markstrasse se reflète le monde entier.« 

Voilà. Ce Champ, c’est le monde. Ces voix, nos vies. »