LE MONDE DES LIVRES, Christine Rousseau, vendredi 26 avril 2013


« L’amour, un ébranlement »

« L’Haïtienne Yanick Lahens oppose, à la violence du séisme, les frémissements du désir.
Entre les lignes de Failles, Guillaume et Nathalie, qui donnent son titre au nouveau livre de la romancière, étaient déjà là, dans leur fragile ébauche. Ils figuraient une promesse, un désir farouche de beauté, un élan vital. Portée par eux, Yanick Lahens est retournée dans le quartier de Pétion-ville. Elle a tourné autour de l’immeuble effondré où elle avait imaginé leurs premières étreintes, puis elle a remonté le temps pour saisir, juste avant le séisme, dans l’éblouissement d’un instant, l’enchantement d’une rencontre, la renaissance possible de deux êtres blessés par la vie. […]
Réunis autour du projet de construction d’un centre, dès les premiers instants de leur rencontre, Guillaume et Nathalie, malgré leurs préventions et leur agacement, premiers signes avant-coureurs d’une affinité trop vive, sont attirés l’un par l’autre. Dès lors, se faisant sismographe sensuelle de cette passion à naître, Yanick Lahens traque le moindre geste, le moindre regard qui s’échange dans le manège de ces deux corps frémissants, qui s’attirent et se repoussent pour mieux attiser, dans un silence éloquent, un désir fiévreux et impérieux.
Celui-là même qui embrase les lignes de ce roman à la beauté sombre et âpre, dans lequel la romancière dessine sans complaisance – mais non sans tendresse – le portrait de son pays. Et, au-delà, celui d’une société rongée par la violence, la misère, la corruption, marquée aussi par la paupérisation de la classe moyenne dont sont issus ses héros, victimes des préjugés raciaux. Une société parcourue de failles auxquelles Yanick Lahens oppose les beautés de cet amour naissant. »