LE MONDE DES LIVRES, Émilie Grangeray, vendredi 16 novembre 2012


« La complexité des sentiments »

« Jean Mattern égrène ses cailloux : les thématiques qui lui sont chères (le mystère des origines, la culpabilité, la perte, l’exil, le rapport à la judéité, la transmission) et les interrogations qui traversent tous ses derniers livres. Surtout le dernier, le plus incarné et le plus libre de tous. Peut-on tout dire à son père ? Aimer une femme comme un ami ? L’amour est-il toujours pur ? Mais Jean Mattern est bien trop avisé pour donner des réponses. Au contraire, il cultive l’ambiguïté, les zones d’ombre. […]

Avec l’élégance qui le caractérise, Jean Mattern renvoie aux auteurs qui l’ont marqué – François Mauriac, Thomas Mann… –, en particulier à Amos Oz, dont il est l’éditeur et dont on retrouve ici le goût pour la tragi-comédie. Car, si le sujet de Simon Weber est grave – le narrateur souffre d’une tumeur au cerveau –, l’humour n’est pas absent : Dans les situations les plus critiques, le ridicule et le grotesque s’invitent, et c’est cela que j’ai voulu capter. Façon de dédramatiser, forme de légèreté et d’insouciance ? Manière aussi, sans doute, de garder délibérément Simon du côté de la vie, lui qui découvre, dans ce Bildungsroman, le spectre infini des sentiments, exacerbés par l’urgence et la peur qui les habitent. En orchestrant ces questions avec beaucoup de finesse, Jean Mattern aboutit à construire un univers romanesque qui lui est désormais propre. »