LES PETITS LIVRES BY SMALLTHINGS, Diane Norric, vendredi 10 mars 2017


« Avant que les ombres s’effacent : après l’errance, Haïti »

« Né en 1962, l’écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert peut se targuer d’une œuvre abondante et variée, où les romans côtoient la poésie et l’essai, et où le créole rivalise avec le français. Avec Avant que les ombres s’effacent, il revient avec un roman, mais s’offre un nouvel éditeur : Sabine Wespieser. Un tel label génère forcément de hautes attentes – et le livre ne les déçoit pas.

Ruben Schwarzberg, le personnage central, naît en Pologne, puis sa famille déménage à Berlin, qu’elle est obligée de quitter en laissant tout derrière elle à l’avènement du Führer. Les uns partent pour l’Amérique, la tante embarque pour la Palestine, tandis que Ruben, resté à Berlin avec son oncle, tente en vain d’obtenir un visa pour les États-Unis. Attrapés par les nazis, les deux hommes sont enfermés à Buchenwald, dont ils sortent grâce à l’intervention d’une connaissance haut placée, avant d’embarquer, comme un petit millier d’autres Juifs allemands, à bord du Saint Louis. Refoulé de Cuba, Ruben accoste finalement en France où il sympathise avec des Haïtiens qui lui permettent d’obtenir la nationalité de l’île caraïbe, sur laquelle il s’installera finalement pour mener une existence apaisée. Jusqu’à ce que le fameux tremblement de terre de 2010 vienne chambouler son quotidien.

Empreinte d’errance, d’exil, imprégnée par l’expérience des camps nazis, la trajectoire de Ruben est marquée par les tragédies de l’Histoire contemporaine, mais le récit de Dalembert n’est jamais doloriste. […]

Les hasards, la chance, la débrouillardise et la solidarité qui tirent Ruben des situations les plus compromises […] contribuent en fait à faire de lui un pur… Haïtien, tant Dalembert s’ingénie à dépeindre, avec beaucoup de tendresse, les insulaires comme les rois de la combine et de la rocambole. Mais surtout, le livre emporte son lecteur par une écriture qui revisite complètement la langue française, fait rire là où ne s’y attend pas, met une pointe de distance sur le tragique et donne vie à chacun des protagonistes. »