L’EXPRESS, Marianne Payot, jeudi 9 mars 2023


Elle aime les romans brefs et plonger ses intrigues dans un contexte historique fort, de préférence situé dans le sud de la France où réside cette enfant d’Ugine (Savoie). Après Charbons ardents (marche contre le racisme de Marseille à Paris en 1983) ou encore Rupture (effondrement du barrage de Malpasset, près de Fréjus, en 1959), Maryline Desbiolles s’intéresse à la première grève de femmes en France, celle des ovalistes (ouvrières de la soie) lyonnaisesen juin 1869. À sa manière, sous la forme d’un récit imparable, mais déroulé tout en finesse, sensibilité et jeux de langue. Ces femmes qui tiennent ici le haut du pavé sont jeunes, s’appellent Toia, Rosalie, Marie, Clémence, viennent du Piémont, de Nyons (Drôme), de Mieussy (Haute-Savoie), de Lyon, ne se connaissent pas, mais vont former une équipe de relayeuses, bataillant vers une vie meilleure.

Et il y a de la marge ! Elles œuvrent, debout, douze heures par jour, à l’exception du dimanche, pour 1,40 franc (les ouvriers moulineurs, eux, touchent 2 francs), et dorment dans des soupentes poussiéreuses. Elles sont 2 000, en ce 17 juin, du quartier tout neuf des Brotteaux à ceux des Chartreux et de la Guillotière, à réclamer pacifiquement des conditions de travail « décentes », soit dix heures par jour (pour 2 francs), avec le droit de s’asseoir et ne plus être « logées et nourries comme des domestiques ». Leur grève dure un mois, à peine soutenue par l’Association internationale des travailleurs. Seule, dans certains ateliers, la revendication des dix heures est acquise. Reste que pour une première participation, les ovalistes de Lyon s’en sortent avec panache.