LIRE MAGAZINE LITTÉRAIRE, Gladys Marivat, mars 2021


L’ami qui vous veut du bien

Rien n’intéresse plus Tiffany Tavernier que cet instant où le monde de ses personnages s’effondre, les obligeant à se réinventer. L’Ami décrit la stupeur de Thierry le matin où il apprend que son voisin est un tueur en série. L’incipit – qui montre le narrateur er sa femme avaler de travers leur café quand ils aperçoivent la police débarquer dans la maison d’à côté – rivalise avec les meilleurs plans séquences des séries télé. La romancière, qui est également scénariste, n’abuse néanmoins pas de ce ressort, et passe rapidement à son vrai sujet.

Comment Thierry a-t-il pu inviter ce voisin à dîner et l’aider à retaper sa cabane (où il séquestrait ses victimes) sans voir qu’il avait un monstre devant les yeux ? Quelle faille en lui a permis un tel aveuglement ? Et pourquoi s’attacher à cet homme quand il est si distant avec sa famille et ses collègues ? Thierry refuse de déménager, alors sa compagne le quitte, le laissant s’enfoncer dans le silence et le déni. Jusqu’à ce que ses pas le ramènent vers son passé enfoui.

Le style simple et direct de Tiffany Tavernier surprend au premier abord. Il procède en réalité de sa volonté de considérer l’autre dans sa fragilité, avec ses maladresses et sa confusion. Cette attention, ainsi que le choix de se concentrer non pas sur le tueur mais sur celui qui l’adorait contrarient toutes nos attentes. Ce qui rend le roman impossible à lâcher.