LIVRES HEBDO, Olivier Mony, vendredi 13 janvier 2017


« Mature love »

« C’est le mystère le plus fréquenté du moment. Alors que celui autour de celle à qui on la compare déjà, Elena Ferrante, semble vouloir se dissiper, Clara Magnani, qui publieJoie, son premier roman, attire vers elle toutes les supputations de ceux qui tendent à confondre filature et critique littéraire. Qui est cette romancière qui choisit pour pseudonyme celui du personnage féminin de son livre ? […] Son éditrice, Sabine Wespieser, prétend ne savoir d’elle que ce qu’elle a bien voulu lui concéder et, comme on la sait peu friande de gesticulation éditoriale, on prendra le parti de la croire : elle est belge, elle vivrait à Bruxelles ?

Clara Magnani donc. […] Et puis il y a Gigi, merveilleux cinéaste italien septuagénaire, qui sera foudroyé par une crise cardiaque sur la terrasse de sa maison romaine, ayant accompli sa plus belle œuvre : mourir sans s’être jamais autorisé à être vieux, ni même adulte peut-être. […]. Durant quelques années, les deux vont vivre un amour profond, charnel, serein, moins en pointillés qu’en voyage, infiniment respectueux de la liberté de soi, d’autrui autant que de celle des conjoints et familles respectives.

C’est un mature love ainsi qu’ils aiment à l’appeler, courtois finalement, autant que débarrassé de toute culpabilité. On fera l’amour, la sieste et la cuisine. On s’écrira. Il sera question de Gramsci, de la vague mourante du gauchisme, de la vie amoureuse de Rossellini, de bains de mer, de la Méditerranée et d’une maison en Sardaigne. Et ce qui n’aurait pu être qu’une bluette parée des oripeaux d’une vague plus-value bobo se transforme par la grâce de l’écriture de Clara Magnani, simple, moins soucieuse d’effets que d’être au plus près de la peau de ses amants, en un plaidoyer pour le bonheur, les accords secrets des uns aux autres. En route pour la joie. »