LIVRES HEBDO, Olivier Mony, vendredi 3 janvier 2014


« Frères et sœurs »

« Quatre murs confirme Kéthévane Davrichewy comme l’une de nos plus fines analystes de ce qui nous émeut.

Ils sont quatre. Saul, Hélène et les jumeaux, Réna et Élias. Plus très jeunes, pas encore vieux. Les uns – Saul a dirigé un journal et Hélène est nez dans la parfumerie – ont réussi dans la vie. Les autres, non. D’aucun toutefois, bien entendu, on ne saurait dire qu’il ou elle a réussi sa vie. Ils ont eu des enfants, des amours, des chagrins, des motifs d’inquiétude et bientôt, de séparation. Ils se sont tenus chaud et ont aujourd’hui froid, plus souvent qu’à leur tour. Ils ont eu un père, ils ont une mère ; et ni le souvenir de l’un, ni la présence de l’autre ne leur rendent la vie facile. C’est leur gloire et leur souci : ils sont frères et sœurs.

[…] Kéthévane Davrichewy poursuit avec ce Quatre murs l’exploration sensible, intime, des lignes de fracture ou au moins de fêlure, de son monde qui est aussi un peu, souvent, le nôtre. On pourrait craindre avoir déjà lu cet embrouillamini génético-sentimental, avoir déjà trop entendu cette petite musique un rien saganienne… Sauf qu’ici l’interprétation du motif est exemplaire. Surtout, Kéthévane Davrichewy, plus maîtresse de ses moyens que jamais, échappe aux pièges codifiés du roman d’analyse psychologique par ce qui sous sa plume s’enfuit sans cesse, donne sa couleur et sa respiration au texte, excède même les rêves de ses personnages. Tout ce qui ne saurait être clos entre les quatre murs du titre…

Ce sera un jardin oublié au fond de la mémoire, la mer bleue et les maisons blanches d’une île grecque. Roman joliment choral, comme l’étaient les films de Claude Sautet […], Quatre murs, comme ourlé d’une infinie délicatesse, prouve s’il en était encore besoin que pour Kéthévane Davrichewy, le savoir-écrire est d’abord un savoir-vivre. »