PAGE DES LIBRAIRES, Antonin Barial-Camu, librairie Écriture (Chabeuil), hiver 2023


Qu’elles soient blondes, brunes ou rousses, les femmes et l’espace qu’on leur laisse dans la société influencent depuis longtemps les écrits de Camille Froidevaux-Metterie. Après s’être longtemps penchée sur des données concrètes et réelles, voilà qu’elle se met aujourd’hui à leur inventer mille vies.

Si pour ses débuts en littérature, Camille Froidevaux-Metterie s’est d’abord intéressée aux relations entre politique et religion dans la sphère occidentale, la philosophe, chercheuse et professeure de science politique française qu’elle est a rapidement prouvé que son arc n’était pas composé d’une seule corde. En effet, Camille Froidevaux-Metterie est avant tout une femme et une militante pour une cause qui la concerne de près. C’est pourquoi elle a décidé, depuis plusieurs années, de se consacrer aux mutations contemporaines qui affectent la condition féminine. En 2022, c’est la publication d’un essai intitulé Un corps à soi (Seuil), figurant parmi les cinq finalistes du prix des Rencontres philosophiques de Monaco, qui l’a portée sur le devant de la scène et ainsi révélée au grand public. Dès lors, forte de son expérience et rassurée par les récents retours de presse élogieux, elle s’est fixé un nouvel objectif et non des moindres : se faire une place dans la fiction. Ainsi est né Pleine et douce, roman paru en ce mois de janvier aux éditions Sabine Wespieser, dans la ligne thématique de ses précédentes publications. Ève, nourrisson sur lequel s’ouvre ce roman, est fraîchement née d’une PMA en Espagne et sa venue au monde bouleverse la vie des femmes de sa famille, ou devrais-je dire de ses familles : celle de sang et celle de cœur. Tout ce beau monde s’apprête à célébrer la naissance de la petite à l’occasion d’une fête en blanc. Dans l’attente du jour J, un chœur de voix féminines va se succéder car cette naissance conduit chacune des femmes qui l’entourent à réfléchir à son existence, à son corps et à sa sexualité. En guise d’ouverture, donc, c’est Ève qui prend la parole, dans un monologue enlevé et plein d’humour. S’exprimeront ensuite sa mère, Stéphanie, la mère de cette dernière puis sa sœur, sa nièce, ses amies… Combats féministes, combats intimes, petites jalousies et préparatifs de la fête se succéderont, se bousculeront et se feront écho. Avec ce premier roman, l’autrice nous offre une belle galerie de personnages féminins tous uniques, tous différents mais tous liés par la vie. Des portraits tout en nuances et en bouleversements car l’ensemble forme une parenthèse de vie et, dans la vie, rien n’est jamais parfaitement réglé ou du moins tel qu’on l’attendait. Le tout donne un texte d’une incroyable modernité, à la fois tendre et mordant, gage d’un bel avenir dans la fiction pour cette autrice qui fait ses premiers pas dans un genre nouveau et qui a déjà tout l’air d’une grande.