PAGE DES LIBRAIRES, Sandrine Maliver-Perrin, Librairie Sauramps (Montpellier), avril-mai 2013


« Edna O’Brien : Garder la flamme »

« Après avoir exploré le roman et la nouvelle pendant plus d’un demi-siècle, l’Irlandaise Edna O’Brien nous livre aujourd’hui ses mémoires. Fille de la campagne est le portrait d’une femme passionnée en quête d’amour et de liberté, mais aussi celui d’une artiste, un écrivain en quête de soi. Attention, chef d’œuvre !
[…] Elle ne cesse d’écrire, de bâtir une œuvre originale dont les principales sources d’inspiration restent l’Irlande et l’amour. Edna n’a jamais cessé d’écouter le souffle du vent, le frémissement de la lande et les voix de ses pairs pour conter la beauté et la rudesse de la nature, les douleurs de l’absence, la solitude absolue. Elle décrit une Irlande sombre, travaillée par le péché, où l’oppression sociale, religieuse et sexuelle tient lieu de tables de loi. J’ai toujours écrit sur l’Irlande telle que je la voyais, avec sa part d’ombre et de lumière, avec ce qui pour moi était visible et ce qui était davantage de l’ordre du secret. C’est la seule manière d’écrire. Une Irlande dominée par les hommes, qui ont rarement le beau rôle dans ses histoires. Cela n’empêche pas Edna d’être une grande amoureuse : l’amour, ses blessures, ses folies l’ont toujours nourrie en tant qu’auteur. Et c’est ce qu’elle voulait être, avant toute chose : un écrivain, une créatrice. Ces jours de gloire et d’or qui l’amènent à New York ou à Paris, ses rencontres avec les grands de ce monde n’y changeront rien. Mission accomplie. Dans un récit impressionniste et réaliste, servi par la prose limpide, lyrique et poétique qu’on lui connaît, Edna O’Brien déroule les fils d’une vie semée de bonheurs et de chagrins, avec son poids incommensurable et magnifique d’amour et de désolation. Jamais d’amertume dans ces mémoires, même quand passent les ombres qui hantent sa vie et nourrissent son œuvre, mais une remarquable sincérité, une extrême lucidité et des mots qui touchent au cœur. En refermant ce livre, on ne peut qu’admirer davantage celle qui s’est efforcée, sa vie durant, de conquérir sa liberté d’être, de penser, d’écrire, au prix de nombreux sacrifices mais sans jamais perdre la flamme. »