ROADS CULTURE, Raffael Enault, mardi 11 mars 2014


« Les Vrais Paradis : François Jonquet se souvient du Palace »

« François Jonquet possède le pouvoir de vous téléporter au Palace. C’est avéré. D’y aller, de franchir cette fameuse porte rouge, j’en ai toujours rêvé. Mais je suis né longtemps après ; la porte était déjà devenue grise. Trop tard.

Si les vrais paradis sont ceux qu’on oublie, l’enfer est homérique, ineffaçable. François Jonquet évoque rarement le bonheur. Il a conscience qu’être heureux, c’est réservé aux autres. Lui est exclu de cette spirale de la béatitude. Certes, il décrit dans ce roman quelques moments d’extase, de plaisir intense. Mais il ne jouit que de l’instant. Plus tard, il sera trop tard. Chaque moment de joie, il se force pour s’en rappeler, le magnifier, le retranscrire. Oublier va de pair avec la facilité. Le souvenir, c’est pour les besogneux, ceux qui, justement, ne prennent pas la peine de savourer le présent. François Jonquet a probablement morflé pendant l’écriture de ce roman. Remuer les souvenirs du passé, faire rejaillir les visages des disparus, l’exercice est toujours douloureux, en plus d’être périlleux. Son livre est réservé aux âmes torturées. Les autres n’y comprendront rien. J’imagine que les habitués du Palace reconnaîtront à l’auteur des qualités mémorielles hors du commun, tant les détails sont nombreux. Moi, il m’a juste plongé très fort dans ces années folles. J’en suis ressorti grandi – et non pas vieilli. Et… j’ai essayé d’identifier mes propres paradis. Mais rien à faire, je n’en suis pas capable. N’est pas François Jonquet qui veut… »