TÉLÉRAMA, Marine Landrot, mercredi 21 août 2013


« Une poussière étoilée tombe des mots de Léonor de Récondo, et la finesse de ces particules provient d’un geste sûr, comme envoûté. La pierre vivante, pietra viva, dans laquelle cette romancière sculpte avec ferveur, est un épisode de la vie de Michel-Ange, au creux d’une carrière de marbre, à Carrare. […]

Les veines du marbre, le sable sous ses pieds en sang, le pain trempé dans le vin, la crasse qui protège son corps des épidémies, tout palpite et fait corps, dans ce récit flamboyant, atemporel, dédié à la joie d’être vivant. On pourrait être chez Platon, dans un film d’Antonioni, ou dans une partition de Rameau : c’est le jeu des contrastes qui intéresse Léonor de Récondo, par ailleurs violoniste baroque, et visiblement très sensible à l’intensité mystique des gestes, des paroles et des pensées.

D’une solitude majestueuse, d’une cruauté dévastatrice, Michelangelo avance vers la connaissance de lui-même. Il croise de simples gens, en réalité hors du commun : un enfant pot de colle qui a perdu sa mère et pose trop de questions, un idiot du village qui se prend pour un cheval et caracole dans les prés. Ces grains de pietra viva détachés de la masse humaine, éparpillés sur sa route, se glissent dans sa chaussure et le font claudiquer. Jusqu’à ce qu’il comprenne qu’ils ne sont que réminiscences de son passé, morceaux de rêve peut-être, ou prémonitions riches d’un enseignement sur le sens de la vie. Sculpter devient alors un acte de sauvetage, de réanimation des êtres disparus, d’accès à l’inconcevable. »