WWW.ACTUALITTE.COM, Xavier S. Thomann, mercredi 30 avril 2014


« Les Vrais Paradis : roman initiatique des années Palace »

« Les Vrais Paradis sont un hymne à un âge d’or de la nuit parisienne, les années Palace. Dans ce roman autobiographique, François Jonquet raconte l’histoire d’un jeune homme qui vient de monter à Paris pour échapper à la torpeur de sa ville de province. Nous sommes à la fin des années 1970, à l’aube d’une nouvelle décennie, et le narrateur se noie dans une vie nocturne intense en fréquentant la Porte Rouge, à la recherche de cette dernière nuit où le poète se consume.

Un roman initiatique donc. Une sorte d’éducation sentimentale où les salons de la Révolution de 48 auraient cédé la place aux boîtes de nuit fréquentées jusqu’à en perdre son souffle par un Frédéric Moreau consommateur de stupéfiants. Qu’importe l’époque, à Paris, il est toujours question de faire la fête.

L’évocation de ces nuits est résolument littéraire. Le narrateur opère une jolie synthèse des voix et des styles. Ce retour sur une époque évanouie a forcément quelque chose de proustien (les vrais paradis sont les paradis qu’on a perdus…) ; par ailleurs, l’auteur se place volontiers sous l’égide de Lautréamont ou des surréalistes. Ainsi, Les Vrais Paradis proposent une longue rêverie hallucinée, portée par une attention extrême aux détails. On ne quitte jamais ce jeune homme, ses sentiments, son rêve immense et bref, on s’en imprègne tout au long du livre.

Mais le rêve est aussi intense que fragile. La liberté respirée à Paris se défait le temps d’un retour dans la ville natale. Au plus fort de la fête, le narrateur ne voit sur son visage autre chose que le fer rouge de la bourgeoisie. Il précise : J’en étais la médaille, l’idéal type issu de générations de fusions similaires prélevées dans les mêmes viviers.

Sa vie effrénée ne semble rien y faire : Elle était immense, ma rêverie de Paris, mais incapable d’inverser un désastre génétique. Et comme tous les rêves, celui-ci connaîtra sa fin. Le millefeuille de rêves commence à se déliter après 1981. Ce putain de futur qui suintait partout ne perd pas son temps. Un jour, la Porte Rouge finit par n’être qu’un théâtre presque vide avec son fumoir pas enfumé.

Ces Vrais Paradis sont construits à la manière d’un jeu de miroirs : le narrateur s’appréhende et derrière lui, en embuscade, l’auteur fait de même. Le tout début du roman, lorsque le personnage est pris pour un autre donne finalement le ton de ce joyeux chant du cygne à retardement. Un beau roman sur l’entrée dans l’âge adulte. »