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Entretien avec Sabine Wespieser publié par « Les Échos » à l’occasion du Festival du livre de Paris

Sabine Wespieser, présente au Festival du Livre de Paris, revient sur la singularité de sa maison, l’importance de l’indépendance dans le métier et son goût pour une littérature qui donne à voir le monde autrement.

À la tête de sa propre maison d’édition depuis 20 ans, la combative Sabine Wespieser affronte les hauts et les bas d’un secteur difficile pour les indépendants. Sans jamais perdre de vue son amour premier : celui de la langue. Interview avec une éditrice singulière à l’occasion du Festival du livre de Paris.

Depuis sa création en 2002, la maison d’édition indépendante fondée par Sabine Wespieser a eu le temps de s’étoffer. Elle publie 10 livres par an et propose un panel d’auteurs incontournables parmi lesquels Robert Seethaler ou Michèle Lesbre, et chez elle la qualité l’emporte sur la quantité.

Avec le même amour du livre qu’à ses débuts et une équipe familiale de quatre personnes, l’éditrice au moral d’acier partage son désir d’accompagner ses auteurs et ses livres le plus loin possible. À l’occasion de cet anniversaire, Sabine Wespieser, présente au Festival du Livre de Paris , revient sur la singularité de sa maison, l’importance de l’indépendance dans le métier et son goût pour une littérature qui donne à voir le monde autrement.

Pourquoi avoir quitté Actes Sud pour fonder votre propre maison d’édition ?
Au bout de presque 15 années de bonheur à Actes Sud où j’ai appris mon métier avec le fondateur Hubert Nyssen, j’ai eu envie de renouer avec une vision plus artisanale du travail quotidien et surtout avec mon métier premier qui est celui du texte. J’avais le sentiment de n’avoir plus le temps de m’occuper vraiment des livres que j’avais choisis avec les auteurs. J’avais une espèce de frustration, comme un scientifique qui adore être à la paillasse et se retrouve chef d’équipe. Moi, j’avais vraiment envie de mettre mon énergie dans la défense directe de mes livres auprès des principaux prescripteurs plutôt qu’au service d’une hiérarchie qui devenait forcément plus lourde dans une maison qui, au moment où je suis partie, publiait déjà un livre par jour.

Quelle est la genèse du premier succès de la maison ?
La maison n’existe pas encore quand je découvre Nuala O’Faolain, une autrice irlandaise. Je publie en 2002, à la première rentrée de la maison, ce livre devenu « On s’est déjà vu quelque part » qui a un succès d’estime puis « Chimères » en 2003 qui s’écoule à plus de 15.000 exemplaires. Le succès de Nuala et sa confiance ont signalé notre maison à des auteurs irlandais qui ont eu envie d’être là et non des moindres comme Edna O’Brien par exemple, Claire Keegan et le comédien Gabriel Byrne dont je publie les mémoires à la rentrée prochaine. Ils sont là grâce à Nuala O’Faolain. C’est exactement comme ça que j’aime ​travailler, en créant un biotope, une confiance et une cohérence.

Vous êtes très fidèle à vos auteurs…
C’est une histoire qui pourrait plaider contre la concentration. Nuala O’Faolain, au moment où elle allait mourir en 2008, savait que son nouveau livre n’avait été pris dans aucune maison de langue anglaise. Pourquoi ? Parce qu’elle n’était plus bankable. Elle est morte avec cette tristesse de savoir que son livre finalement ne trouverait peut-être pas de lecteurs dans sa langue. Je l’ai publié trois mois après sa mort. Une de mes grandes fiertés, c’est que j’ai pu vendre les droits, un comble absolu, à un éditeur américain, un éditeur irlandais et un éditeur ​anglais. La violence du marché est telle qu’un auteur qui ne marche plus, on le jette.

Qu’est-ce qui a changé ces 20 dernières années dans l’édition ?
Depuis 15 ans, j’ai l’impression qu’on affronte un parcours d’obstacles, tenir une telle maison est vraiment devenu un sport de combat comme disait Bourdieu. C’est un marché hyperbrutal entre Amazon et la concentration qui gagne du terrain , ​avec des groupes qui emploient tous les moyens pour essayer de débaucher mes auteurs, faire valoir les leurs et occuper le plus de place possible sur les tables des libraires .

L’engagement social par le livre compte pour vous ?
Et comment ! Le livre c’est politique. C’est politique au sens du rôle de l’homme ou de la femme dans la cité, ce sont des affirmations très fortes. Louis-Philippe Dalembert, l’auteur de « Milwaukee Blues », qui parle de racisme sur fond de Black Lives Matter, vient de remporter le prix du choix Goncourt espagnol et belge. Cela donne enfin l’occasion d’un rayonnement au-delà des frontières à ces questions.

Qu’est-ce qui vous meut dans la littérature, en plus du travail de la langue ?
Au cœur de la littérature, il y a le texte. Il y a la forme. J’aime que cette forme produise du sens. Je ne publierai jamais juste une belle histoire parce que l’histoire est bien racontée. J’ai commencé ma vie en enseignant les lettres classiques, donc la forme m’importe beaucoup. Il y a aussi une manière de mettre en scène l’objet livre. Cela a été une vraie réflexion au moment de la création de la maison et c’est très exaltant, amusant et intéressant de penser complètement un objet singulier.

Pourquoi êtes-vous si attachée aux auteurs de langues étrangères ?
Quelqu’un m’a dit un jour que ça devait être lié au fait que je suis née sur une frontière. Je suis Alsacienne d’origine, donc la proximité d’une autre culture est ancrée en moi. En tant que lectrice, avant même d’être éditrice, c’est toujours la littérature qui m’a appris à voir le monde. Beaucoup plus que les sciences sociales.

Et votre amour pour les livres francophones hors de France ?
Je suis très attachée à ces territoires où la langue française se parle, s’écrit mais est aussi nourrie par un double imaginaire. C’était le cas dans mon enfance avec l’alsacien, c’est le cas pour le créole haïtien qui est la langue quotidienne de Yannick Lahens qui écrit en français ou pour Dima Abdallah qui a grandi au Liban avec la mélopée de la langue arabe autour d’elle. Cela donne des auteurs qui pensent le monde autrement et qui écrivent la langue française autrement. On trouve beaucoup ​plus de voix singulières dans ce terreau « francophone » que dans le biotope des cafés de Flore, Magots, Lipp.

Vous n’avez pas de collection. C’est un choix ?
On n’allait pas subdiviser quelque chose qui était déjà quand même assez petit. Avec 10 livres par an, on n’allait pas s’en sortir. Pour moi, un texte traduit en français est un texte écrit en français parce qu’un traducteur est un écrivain. Tout est mis sur le même plan.

Comment voyez-vous le futur de la maison ? 20 ans de plus ?
Une chose dont je suis sûre c’est que je n’ai pas du tout envie de vendre la maison à un groupe, je n’ai pas du tout envie de me retrouver avec mon contrôleur de gestion qui va m’expliquer que si cette année est mauvaise, il faudrait publier plus l’année prochaine et puis peut-être faire une collection de manga parce que c’est plus rentable, non merci ! Après, les hommes et les femmes sont mortels. Les maisons d’édition sont mortelles… Tout ce que l’on peut me souhaiter, c’est juste de continuer.

Léa Colombo

Lire l’article sur le site des Échos

 

 

« Milwaukee Blues » de Louis-Philippe Dalembert, choix Goncourt de l’Espagne 2021

« Milwaukee Blues » de Louis-Philippe Dalembert, choix Goncourt de l’Espagne 2021

Louis-Philippe Dalembert lauréat de la 5ème édition du Choix Goncourt de l’Espagne 

La Vème édition du Prix Goncourt Le Choix de l’Espagne s’est tenue à Madrid le 31 mars. Six étudiants porte-paroles des universités de Salamanque, Séville, Oviedo, Pompeu Fabra à Barcelone, Complutense de Madrid et Valence se sont réunis pour choisir le meilleur roman français parmi la dernière sélection de l’Académie Goncourt en 2021.

Lors de la conférence de presse annonçant le choix de l’Espagne, Milena Busquets a souligné combien la littérature française, notamment les Prix Goncourt, l’avait accompagnée durant sa période de formation mais également dans son travail d’éditrice et d’autrice. Elle a également affirmé combien elle appréciait la spécificité française de débattre de la littérature et enfin a qu’elle a vécu comme un véritable honneur et plaisir d’être la présidente de cette édition.

L’étudiante (Maria Esperanza Hernandez, de l’université de Séville), porte-parole du jury, a justifié le choix du jury pour Milwaukee Blues du fait de l’universalité des personnages, de l’actualité de la thématique, de la qualité de l’écriture, du plaisir de lecture ressenti et du caractère francophone de l’ouvrage.

Pierre Assouline a rappelé les origines historiques des Prix Goncourt à l’étranger et de leur importance dans la promotion de la littérature contemporaine française.

Enfin, Eric Tallon, Conseiller de Coopération et d’Action culturelle, a notamment rappelé l’esprit de prix Goncourt, en citant son Président Didier Decoin « le Goncourt, c’est l’histoire littéraire du XXIème siècle ».

L’ouvrage de Louis-Philippe Dalembert n’est pas encore traduit vers l’espagnol,  l’obtention de ce Prix devrait permettre qu’il le soit prochainement.

Chaque année, ce projet de critique littéraire est repris avec enthousiasme par tous les étudiants des universités espagnoles, qui organisent des groupes de travail autour des romans en lice au sein de leur établissement. Chaque Université sélectionne un.e étudiant.e porte-parole, accompagné.e d’un.e enseignant.e référent, pour faire partie du jury et représenter leur université lors des délibérations.

Des écrivains espagnols de renom, tels que Arturo Pérez Reverte, Antonio Muñoz Molina, Carmen Posadas et Javier Cercas, ont parrainé ce projet dès sa naissance, en présidant le jury.

« Milwaukee Blues » de Louis-Philippe Dalembert, choix Goncourt de la Belgique 2021

« Milwaukee Blues » de Louis-Philippe Dalembert, choix Goncourt de la Belgique 2021

Louis-Philippe Dalembert lauréat de la 6ème édition du choix Goncourt de la Belgique
Page du Choix Goncourt de la Belgique

La 6ème édition du Choix Goncourt de la Belgique, le prix littéraire des étudiants belges, a été attribué le 24 mars 2022 à Louis-Philippe Dalembert pour Milwaukee blues (Sabine Wespieser).

Le Choix Goncourt de la Belgique, un prix littéraire pour découvrir la littérature contemporaine de langue française

Le Choix Goncourt de la Belgique permet aux étudiants de lire des ouvrages contemporains, faisant souvent écho à l’actualité, et qu’ils peuvent découvrir en parallèle de la littérature plus classique étudiée dans le cadre de leur cursus.

Pendant 9 semaines, les étudiants lisent la sélection de 9 romans de la seconde sélection du Prix Goncourt, en font la critique et désignent collectivement leur lauréat. En pratique, les étudiants volontaires dans chaque université et haute école, encadrés par un professeur référent, créent un groupe de lecture et désignent un délégué et un suppléant. L’ensemble des délégués constitue ensuite un jury de délibération national qui se réunit en décembre à la Résidence de France à Bruxelles pour désigner le lauréat.

Le résultat a été annoncé à PassaPorta le 24 mars 2022 en présence de Louis-Philippe Dalembert, lauréat du prix, de François Sénémaud, Ambassadeur de France en Belgique, Bénédicte Linard, Vice-Présidente et Ministre de l’Enfance, de la Santé, de la Culture, des Médias et des Droits des Femmes et de Sabine Wespieser, éditrice.

L’annonce a été suivie d’une soirée littéraire avec Louis Philippe Dalembert qui a été introduite par Valérie Glatigny, Ministre de l’Enseignement supérieur, de l’Enseignement de la promotion sociale, de la Recherche scientifique, des Hôpitaux universitaires, de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice, de la Jeunesse, des Sports et de la Promotion de Bruxelles.

Cette année, 200 étudiants, francophones et néerlandophones, ont participé au projet.

Le jury, composé de 17 représentants de 17 universités et hautes écoles francophones et néerlandophones, a délibéré lors d’une réunion organisée le 14 décembre 2021. Ils se sont fait les porte-voix des 200 étudiants qui participent chaque année à ce prix.

Des étudiants belges au cœur de l’organisation du Choix Goncourt de la Belgique

Les professeurs des universités et hautes écoles présentent le Choix Goncourt de la Belgique comme un projet enrichissant qui réunit des étudiants de toute la Belgique et qui permet de discerner les différentes étapes de l’organisation d’un prix littéraire.

Le Choix Goncourt de la Belgique permet de comprendre de l’intérieur le fonctionnement d’un prix littéraire, la manière dont les délibérations se déroulent, les enjeux et les approches culturelles qui sont différentes puisque le prix réunit des universités francophones et néerlandophones, qui ont un rapport à la langue et à la littérature qui est relativement différent.

Un tel projet est stimulant pour les étudiants car cela leur donne l’opportunité de rencontrer des auteurs, de débattre avec eux, et de leur poser des questions sur la genèse d’un ouvrage.

Ce prix est organisé par l’Ambassade de France en Belgique en partenariat avec l’Agence universitaire de la Francophonie Europe de l’Ouest, Passa Porta, la maison internationale des littératures à Bruxelles et l’Alliance française de Bruxelles-Europe et avec le soutien de La Première (RTBF).

Page du Choix Goncourt de la Belgique

Robert Seethaler sera exceptionnellement en France du 7 au 9 février 2022

Robert Seethaler sera exceptionnellement en France du 7 au 9 février 2022

À l’occasion de la parution de son dernier et magnifique roman, vous pourrez écouter et rencontrer Robert Seethaler à Paris et à Lyon :

lundi 7 février 
• à 19 heures au GOETHE INSTITUT
17, avenue d’Iéna 75 116 Paris
Informations supplémentaires

• à 22 h 15 sur FRANCE CULTURE dans l’émission « Par les temps qui courent », de Marie Richeux

mardi 8 février
• à 19 heures à la LIBRAIRIE COMPAGNIE
58 rue des Écoles 75 005 Paris
Informations supplémentaires

mercredi 9 février
• à 19 heures à la LIBRAIRIE PASSAGES

11, rue de Brest 69 002 Lyon
Informations supplémentaires

 

« Sages Femmes » de Marie Richeux en vitrine de la librairie BOSTRYCHE (Bienne, Suisse)

« Sages Femmes » de Marie Richeux en vitrine de la librairie BOSTRYCHE (Bienne, Suisse)

La très belle librairie-café Bostryche à Bienne a mis en avant un extrait de Sages Femmes de Marie Richeux sur sa vitrine :

« Je rangeai la lampe, refermai le livre, me glissai sans bruit au-dehors, me déshabillai, les étoiles par milliers constellaient mon corps. Je marchai dans l’herbe humide du terrain, je rejoignis l’eau noire et les poissons fluorescents. J’entrai dans la rivière réchauffée par l’obscurité, je regardai ma peau disparaître dans les flots, nageai quelques secondes dans un léger frisson. Les montagnes étaient de grandes masses noires magiques auxquelles je pouvais m’adresser. “Je suis revenue, fis-je dans un souffle de brasse. Ma fille Suzanne dort sous la troisième tente à gauche, là-bas, sous l’arbre, près de son père. Ma fille Suzanne, vous savez ?” Et les montagnes noires de se pencher délicatement sur mon corps blanc dilué dans l’eau, comme on ferme les paupières à la place de dire oui. Je nageais. À l’eau, j’ajoutais les larmes les plus douces que je n’avais jamais pleurées. C’était une offrande à la rivière qui me le rendait bien. Tout mon corps buvait en nageant, les légers courants orientaient mes chevilles, il me naissait, invisibles, quelques écailles sous les cheveux. »