LA CROIX, Laurence Péan, jeudi 12 septembre 2019


« Au nom de toutes »

« L’auteure irlandaise Edna O’Brien raconte la vie brisée d’une jeune Nigériane enlevée par Boko Haram et sa lente reconstruction. Superbe et terrifiant.

Dans la nuit du 14 au 15 avril 2014, 276 lycéennes âgées de 12 à 16 ans sont enlevées par le groupe terroriste Boko Haram dans la ville de Chibok, au Nigeria. Un drame hors norme qui a suscité une vague d’indignation dans le monde, relayée par le slogan #Bringbackourgirls, « Rendez-nous nos filles ».

Cinq ans après, alors qu’une centaine de ces adolescentes sont toujours portées disparues, que les autres se sont enfuies ou ont été libérées, paraît un récit suffoquant signé de la grande romancière irlandaise Edna O’Brien. Pendant trois ans, elle a mené une véritable enquête au Nigeria et recueilli « avec délicatesse » le témoignage de dizaines d’anciennes captives, rencontré médecins, psychiatres, membres d’ONG, religieuses catholiques, prêtres…

À l’issue de cette plongée dans l’indicible a éclos ce roman au titre singulier : Girl, la « fille », qui incarne l’histoire plurielle de toutes ces innocentes soumises à l’extrême violence des hommes, une violence morale, psychique et sexuelle. […]

À 88 ans et une vingtaine d’ouvrages à son actif – romans, essais, nouvelles, pièces de théâtre, biographies… –, Edna O’Brien se révèle toujours aussi acharnée à témoigner des interdits, des injustices et des violences dont sont victimes les femmes. […]

Avec Girl, peut-être son roman le plus puissant, magnifiquement traduit par Aude de Saint-Loup et Pierre-Emmanuel Dauzat, elle rend un poignant hommage à toutes ces femmes terriblement courageuses qui paient un prix bien trop élevé pour être libres. Comme cette petite Maryam, femme-enfant au corps et au cœur dépecés, devenue guerrière pour sauver ce qu’elle a de plus cher au monde : son enfant né dans les ténèbres et qu’elle veut de toutes ses forces amener à la lumière. »