LE JOURNAL DU DIMANCHE, Laëtitia Favro, dimanche 20 mars 2022


On lui avait vanté le parfum de la mer. Emmitouflé dans une couverture sur le pont de l’Amerika, Gustav Mahler ne respirait pourtant « qu’une odeur d’acier et d’huile de machine », emportée par le vent vers New York, à laquelle le paquebot tournait désormais le dos. L’Europe était encore loin. Et les colonnes des journaux, d’une médiocre distraction : « Gustav Mahler est une petite flamme qui vacille dans la tourmente de son propre désespoir. » Formule de pisseur de copies ! songeait le principal intéressé en déchirant l’article. Mais pas tout à fait fausse. Du haut de son mètre soixante, le maestro était, à l’aube de la cinquantaine, un mythe, le plus grand chef de son époque. […]