LE TEMPS, Lisbeth Koutchoumonoff Arman, samedi 27 août 2022


Son premier roman, Sa préférée, récit d’une rescapée de la violence domestique, est déjà en piste pour plusieurs prix littéraires. Avant Le Livre sur les quais, l’autrice Sarah Jollien-Fardel nous reçoit chez elle, en Valais, pour évoquer une adolescence qui nourrit son écriture.

« Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d’avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre.  Presque en silence ». Ainsi commence Sa préférée, premier roman de la Valaisienne Sarah Jollien-Fardel. Trois phrases qui posent un ton, un rythme, un climat. Sa préférée dissèque la violence domestique, son impact, son onde de choc, sa force de destruction massive, celle d’un père qui s’abat sur sa femme et ses deux filles.

C’est la plus jeune des deux, Jeanne, qui raconte, des années plus tard, le jaillissement de la violence dans la cuisine familiale, la rage inextricable qui éclate au moindre prétexte, « ce pouvait être la viande filandreuse du ragoût, un clou de girofle de trop […] Ça pouvait être la pluie ou la chaleur étouffante de la cabine de son camion. Ça pouvait être rien. » C’est Jeanne qui dit les tabassages, les insultes obscènes, « la trouille collée au corps en permanence ».

Lâcheté des habitants
Sa préférée est le récit d’une rescapée. Jeanne va fuir son village, en Valais, et tenter de renaître dans l’anonymat de la ville, à Lausanne. Le village rime avec l’enfer familial, avec la lâcheté des habitants qui ont toujours su ce que Jeanne, sa mère et sa sœur enduraient, sans jamais leur venir en aide, préférant fermer les yeux, et médire avec compoction.

Le village n’est pas nommé. Aucune année n’est mentionnée non plus. Mais on comprend que l’on se situe dans les années 1980 et 1990 quand Les oiseaux se cachent pour mourir font pleurer mère et filles pendant les absences du père, leurs rares moments de répit.

La langue du roman, simple en apparence comme sortie de la bouche de Jeanne, est travaillée au souffle près, chaque mot pesé pour alimenter un rythme de feu, une urgence à dire. Un texte qui appelle la lecture à haute voix. Sa préférée est un roman de colère, celle qui habite Jeanne, la porte, la dépasse, la ronge. Cette voix-là, la dénonciation qu’elle porte, l’acuité des descriptions psychologiques donnent au livre une portée rare pour un premier roman […]

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