LES ECHOS, Philippe Chevilley, vendredi 8 janvier 2015


« L’instant de réflexion : Staline et son double »

« De la vie extraordinaire de son arrière-grand-père, Kéthévane Davrichewy n’a pas cherché à faire une grande saga. Son roman est avant tout une quête de ses racines familiales géorgiennes. Il est sobre, bref, précis, intime. Pour le lecteur, il revêt un intérêt historique universel. Car l’ancêtre de l’écrivain est « l’autre Joseph », l’ami d’enfance ou le demi-frère de Joseph Djougachvili, alias Staline (le père de Davrichewy avait eu une liaison avec la mère du futur Staline et les deux Joseph se ressemblaient beaucoup). L’auteure se risque à un portrait croisé des deux garçons, davantage frères ennemis qu’amis. Staline apparaît vite déterminé, dur et sans pitié. On le voit passer de la foi chrétienne au nationalisme géorgien, puis au marxisme, avec la même ferveur. Son « double » est plus tendre, plus humain : pusillanime, il se méfie de l’idéologie. Pourtant, les deux hommes feront ensemble leurs premières armes révolutionnaires, luttant contre la domination russe en Géorgie à coup de bombes, de rackets et d’attaques de banques… L’Autre Joseph permet de (re)découvrir, en un subtil jeu de miroirs, l’enfance d’un chef et d’un tyran. Le roman offre en outre une troublante réflexion sur le hasard. Davrichewy aurait pu devenir lui aussi un leader politique, il s’est contenté d’être un aventurier, peu ou prou au service de la France. En peu de pages et peu de mots, Kéthévane Davrichewy nous fait reconsidérer le destin et repenser l’histoire. »