LIBRAIRIE COIFFARD, 2013


« Un été irlandais »

Édito par Claire Keegan : « John McGahern a dit un jour, dans un entretien, que la bonne littérature suggère, la mauvaise littérature affirme. Entendre cette phrase a aussitôt clarifié pour moi la différence entre une prose à deux dimensions et une prose à trois dimensions. Quand la langue fonctionne sur le plan de la suggestion, le lecteur pénètre dans un monde à trois dimensions : les oiseaux volent dans les airs et il sent leurs ombres noires passer au-dessus de lui et filer sur le béton. Dans l’affirmation, la troisième dimension manque : les oiseaux volent sans ombres et contraignent le lecteur à suivre au lieu d’être à l’intérieur de l’expérience ê– il en résulte une sensation de marcher avec un temps de retard sur le mouvement au lieu d’avancer à l’intérieur de lui.
Les pages de ce recueil mèneront de nombreux lecteurs au cœur d’une expérience irlandaise – du climat et de la pluie océanique, de notre humour et de notre don pour en révéler le moins possible quand nous parlons, de nos silences troublés et de notre intransigeance, des fêtes et des portes qui s’ouvrent et se ferment, de notre discussion permanente avec un passé à trois dimensions. » (traduction de Jacqueline Odin)

Entretien :
« Vous avez choisi d’écrire des nouvelles. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
La nouvelle est la forme que j’admire le plus. Une bonne histoire est riche en non-dit et laisse de la place au lecteur, est presque incomplète. Une nouvelle racontée avec une retenue considérable et divers degrés de réticence peut nous conduire à un niveau d’intensité que le roman atteint rarement. Et elle commence loin, où l’eau est profonde et la difficulté devient conséquence. À mon avis, la pire littérature est pleine d’analyse, d’explication et d’expression de soiê – le contraire de la retenue. […] Je suis stimulée par ce défi et ces silences, le besoin à l’intérieur de l’histoire de comprendre et de clarifier une expérience humaine incandescente. […]
Quels sont le auteurs irlandais que vous aimez et admirez ? Leurs œuvres ont-elles une influence sur votre écriture ?
Joyce, Beckett, Yeats, Synge, Wilde, Edna O’Brien, McGahern. Je ne sais dire ni mesurer à quel point leurs œuvres ont pu influencer ma propre écriture, seulement que j’admire la manière dont ils ont écrit et ce qu’ils ont à dire, là où leurs œuvres m’ont emmenée et ce que j’ai compris grâce à leurs œuvres. […]
Pourquoi écrivez-vous ? Pourquoi avez-vous choisi de donner une si grande place aux mots et à l’écriture dans votre vie ?

Écrire est ma façon d’essayer de comprendre ce qu’être humain signifie, d’essayer de faire en sorte que ce qui est inarticulé et inexplicable le soit légèrement moins. »
(entretien réalisé par Gaëlle Maindron et traduit par Jacqueline Odin)

Le choix du libraire : À travers les champs bleus de Claire Keegan (Sabine Wespieser éditeur)
« Claire Keegan accompagne ses personnages. Elle les suit, les observe, et nous les raconte avec une délicatesse infinie. À travers les champs bleus est un recueil de huit nouvelles. Des histoires qui évoquent l’Irlande des tourbières et des falaises, une Irlande venteuse, une terre qui imprègne les hommes et les femmes qui l’habitent. »