LIRE, Christine Ferniot, février 2015


« Destins de femmes »

« Au début du XXe siècle, les amours ancillaires d’un châtelain vont donner naissance à un enfant. À partir de cette trame, la romancière enchaîne les vies d’une bourgeoise et de sa bonne dans une société corsetée.

[…] Céleste attendra un enfant, Victoire restera un ventre sec, mais, chez les riches, on sait toujours s’arranger.

Léonor de Récondo aurait pu s’arrêter là : une histoire d’adultère qui finit bien, un enfant du hasard qui change de bars, une bonne qu’on renvoie, une épouse comblée, un secret bien gardé. Mais la romancière voulait parler d’amours au pluriel et offrir à ses héroïnes un destin plus ample et moins bien réglé. Les corps des femmes sont magnifiques dans ce très beau livre plein de niches et de recoins. […] Mille détails construisent cette fiction intelligente, sensuelle, rythmée et étonnamment fluide. On y sent la lourdeur provinciale derrière les pesants rideaux de taffetas et les repas trop riches. On perçoit le bruit discret des cuisines où chacun tient son rang. On respire la brume du jardin près de la rivière qui rend l’atmosphère humide et glaçante. […]

Comme avec Pietra viva qui s’interrogeait sur la création en refusant les grandes thèses et les phrases boursouflées, Amours réfléchit à la maternité et ses obligations, à la liberté des corps, aux différences sociales et à l’éducation des filles, sans jamais verser dans la démonstration. On retrouve le même talent pour décrire les paysages, s’arrêter sur un objet, un geste de la main. […]

Amours n’est pas un roman de terroir, une aventure sociale ni une fiction historique, mais un livre qui décrit la force du sentiment, la puissance instinctive du désir et le sens du sacrifice dans un monde cadenassé qui a tout à voir avec le nôtre. »