LIRE, Christine Ferniot, février 2015


« À l’instar de Patrick Modiano ou de Marguerite Duras, Michèle Lesbre écrit moins sur la mémoire que sur l’oubli. Ou, plus exactement, la peur de l’oubli.

Les routes buissonnières, les rencontres de hasard, les paysages inattendus nourrissent depuis toujours l’œuvre de Michèle Lesbre. Au début de Chemins, la narratrice observe un homme assis sous un réverbère en train de lire un texte d’Henry Murger : Scènes de la vie de bohème. Aussitôt le titre de ce roman feuilleton du XIXe siècle ouvre le tiroir de sa mémoire familiale. Demain, elle quittera la ville et ses silhouettes rêveuses pour habiter quelques jours une maison près d’un canal. Mais rien ne presse et ne semble hâter le pas de cette femme seule qui aime tant s’arrêter en chemin, observer les autres et se fondre dans leur vie, pour quelques heures ou quelques jours. Cependant, le souvenir insistant de son père tend à s’imposer. Elle remonte ainsi les années, cherche l’image du jeune homme insouciant derrière celui qu’elle a si mal connu et trop vite oublié.

Les thèmes essentiels de Michèle Lesbre sont réunis dans ce récit empruntant le rythme des fleuves, le mouvement des péniches, la douceur des bords de Loire. On note, au passage, quelques conseils de lecture car la romancière est une lectrice partageuse. Cousine d’Alexandre Vialatte et de Paul Gadenne, Michèle Lesbre écrit en marchant, réglant son pas sur celui d’une prose poétique qui nous donne à voir et à rêver. Mais dans ce nouveau texte d’une grande beauté, la sérénité domine enfin. Comme un désir de trouver sa place dans le monde, en prenant les chemins de traverse pour, enfin, rentrer chez soi. »