L’ALSACE, Jacques Lindecker, dimanche 26 janvier 2020


« Au début, il n’y avait rien de Paulstadt, la ville. Quatre familles s’étaient installées sur ce bout de terre ingrate, des étés sans aucune trace d’eau, de la boue gluante dès que la pluie tombe, un sol juste bon à faire pousser des patates et des raves, et encore. Des pionniers, des fous, ce sont eux qui ont fait ce pays, qui l’ont consolidé et irrigué, jusqu’à l’épuisement. « Ma mère disait que, sous la ville, il y a plus d’os que de pierres, se souvient Karl Jonas, le petit-fils et le fils de l’un de ces acharnés« . Karl Jonas qui aura également fini par rendre l’âme, « personne n’a la force de faire prospérer une éponge d’argile et de caillasse de quatre-vingt dix hectares.  »

Karl Jonas repose au « champ », c’est ainsi que l’on nomme le cimetière à Paulstadt, en mémoire peut-être de ces défricheurs d’un enfer ordinaire. Toutes les voix qui vont s’élever, l’une après l’autre, dans l’époustouflant et bouleversant nouveau roman de Robert Seethaler, habitent « le champ ». Elles sont de tous milieux, de tous destins…»